Magnificat, op.3 (1980)

Antiphone pour la visitation

pour ténor, chœur mixte et orchestre




Durée : 25'
Dédicace : Roland Bourdin
Création : 16 décembre 1980, Paris, Église Saint-Séverin, Festival d'Art Sacré de la Ville de Paris
Ensemble Orchestral de Paris,
l’ensemble vocal Michel Piquemal  
ténor : Christian Jean
Direction : Jean-Pierre Wallez
Effectif : 1 ténor solo ; chœur mixte à 16 voix ; 2*2**22 – 2000 – Cordes : 6, 6, 4, 4, 2  *la première flûte jouant aussi la petite flûte, la 2e flûte jouant aussi la petite flûte et la flûte en sol -
**dont 1 cor anglais


Commande
Festival d’Art Sacré
de la Ville de Paris

Partition en vente
(AL 28848)
chant et piano en vente
(AL 29401)

matériel en location
(AL 28849)







Armin Jourdan >








MAGNIFICAT OP. 3
LA VISITATION DE MARIE


Le Magnificat – Antiphone pour la Visitation est la première partie d'un Triptyque
Marial en trois périodes, dérivé du Keshtat za-`Aryàm éthiopien, office destiné à
honorer la Sainte Vierge d'une façon particulièrement solennelle. Les deux tableaux qui
suivent sont les Laudes op.5 pour Orgue, et Asùn op.7 (anciennement Requiem de la
Vierge) conte symphonique pour l'Assomption de Marie, pour Soprano, Ténor, Baryton,
Chœur mixte, Chœur d'enfants et Orchestre.

Lorsque Marie, par les chemins qui montent de Galilée en Judée, s'avance jusqu'à la
bourgade d'`Aïn-Karem, afin de rendre visite à sa cousine Elisabeth, elle porte en son sein
un ineffable mystère : Dieu parmi les hommes.
L'évènement se situe au cours de cette période historiquement unique dans l'histoire de
l'humanité : ces neuf mois pendant lesquels le fils de Dieu a voulu se soumettre aux
servitudes de notre condition. Une femme de notre race humaine se voit comblée d'un
indicible honneur : elle devient le tabernacle de Dieu et la Reine du Monde.
Les dimensions du second des quinze Mystères du Rosaire sont innombrables. J'en ai
retenu plus particulièrement un : la Visitation, c'est le Mystère de la Rencontre et de
l'Intériorité.
Le Magnificat est un chant de salutation qu'il faut replacer dans le contexte judéo-
islamique où la rencontres, les retrouvailles après une longue séparation, font l'objet d'un
rituel souvent complexe. Il se produit une sorte de jeu verbal, de type antiphonal, à la
frontière de la psalmodie, formé de questions et réponses brèves, avec reprises et
répétitions. En Afrique Noire, ce phénomène est considérablement amplifié, et donne
souvent à une véritable polyphonie vocale.
Commencé au Niger et en Côte-d'Ivoire en 1979, l'ouvrage fut achevé fin 1980,
pendant mon séjour à la Villa de Médicis, à Rome.
Dans le rite Cistercien, l'Introït de la Messe de la Visitation est le « Gaudeamus omnes
in Domino ». Les premiers neumes de l'Introït sont à l'origine d'une cellule tétraphonique
constituant un des fondements harmoniques de la partition.


Quatre périodes s'enchaînent sans interruption:

1. « Les dons de Dieu à Marie ». (Luc, 1, 46-50), chant responsorial orné par une
passacaille orchestrale stratifiée.

2. « La Puissance de Dieu sur les nantis comme sur les pauvres ». (Luc, 1, 51-53),
où intervient le ténor soliste. C'est l'Archange Gabriel. Son rôle est de psalmodier
des textes adjacents au Magnificat proprement dit. Cette psalmodie se poursuit
de loin en loin par des parenthèses en forme de « danses sacrées »

3. « La Fidélité de Dieu à son peuple ». (Luc, 1, 54-55), cette période débute par un
long choral, se prolongeant par des litanies, où revient inlassablement la
promesse que Dieu sauvera son peuple.

4. « Doxologie, ou Acclamation ». (Cantique des cantiques, 2,8-14), les trois
modulations initiales, auxquelles le ténor répond toujours «Ecce iste venit
saliens...», sont une évocation du Samedi saint, au moment où le diacre,
avançant dans l'église encore obscure, allume successivement les trois cierges
attachés au sommet d'un roseau et chante à trois reprises, sur un ton chaque fois
plus élevé: «Lumen Christi». Pendant que l'orchestre harmonise des bribes
d'antiennes mariales, le chœur répond en écho (« Ecce, ecce, iste... ») au ténor
qui finit par psalmodier le texte de l'Epître de la Visitation sur une berceuse
orchestrale et chorale; dans cette berceuse finale, un violon solo dialogue avec
l'orchestre très divisé et rassemblé en un « carillon » sur lequel s'achève, comme
s'il s'agissait de la fin d'un office.


Jean-Louis Florentz











Les Laudes, op.5 

Kidân za-Nageh, sept pièces pour orgue (1985)

Durée : 32’
Dédicace :
à Daniel Birouste et Bertrand Lazerme
Création : 24 octobre 1985, Paris,
Église des Billettes, par Michel Bourcier





Commande
Ars Organorum
Plaisance-du-Gers

Partition en vente
(AL 29213)




Michel Bourcier >
Nicolas de Troyer >
Caroline Robinson >
Bernard Foccroulle >Thomas Monnet >



























Titres des parties :
1 Dis-moi ton nom...  
(Ngrânni samaka) : un appel à la prière.
2 Prière pour délier les charmes  
(Mâftehê seray) : une incantation.
3 Harpe de Marie
(Arganona Mâryâm) : une danse sacrée.
4 Chant des fleurs
(Mâhlêta segê) : une méditation.
5 Pleurs de la Vierge
(Lâhâ Mâryâm) : un cantique.
6 Rempart de la Croix
(Hasura Masqal) : une procession
7 ...Seigneur des Lumières
(Agzi abahêr zabarhânât) : une hymne




Esquisse des Laudes, 1984, encre sur papier calque. Collection particulière.



LES LAUDES, OP.5

Les « LAUDES » forment la partie centrale d'un triptyque symphonique
consacré à Marie, mère de Jésus (Mère de Dieu et Mère de l'Humanité pour les
chrétiens). La composition de cette vaste fresque de 1979 à 1988.
J'ai retenu trois moments importants de la vie de cette femme exceptionnelle:
ce sont trois des quinze «Mystères du Rosaire».
- La « Visitation » (2ème « Mystère joyeux »).
- Le « Crucifiement et la Mort de Jésus » (5ème « Mystère douloureux »).
- L'« Assomption» (4ème « Mystère glorieux »).

Le premier ouvrage de ce triptyque « marial » est apparenté à l'oratorio: c'est le « Magnificat – Antiphone pour la visitation », op. 3, pour ténor, chœur mixte et orchestre. Les textes proviennent du «Magnificat» lui-même (Luc I, 46-55) mais aussi de Psaumes et du « Cantique des Cantiques ». Le troisième volet est le plus proche du « Mystère sacré » du Moyen-âge, peut- être plus encore de l'Opéra. “Asùn”,(« Assoun » anciennement « Requiem de la Vierge »), op.7, pour soprano, ténor, baryton, chœur d'enfants, chœur mixte et orchestre, comporte en effet un scénario construit en grande partie sur le Récit grec de la Domination de Marie, mais aussi d'après beaucoup d'autres sources éthiopiennes et arabes. Tous les textes chantés
dans ces deux œuvres sont traduits en latin. Le ténor soliste des deux ouvrages est l'archange Gabriel, le soprano est Marie, et le baryton, est l'apôtre Jean.
Au centre de cette fresque prend place une suite de sept pièces pour orgue
seul, inspirées du Kidân Za-Nageh, ou « office du matin » de la liturgie éthiopienne.
D'où le titre: « Laudes ».
Le lien entre les « Laudes » et le 5ème « Mystère Douloureux » s'explique
par le fait que j'ai composé cette œuvre à une époque (entre 1983 et 1985) où l'Ethiopie était persécutée par le régime politique du moment (communisme matérialiste dialectique), dont l'essentiel du programme était l'éradication du Christianisme.
Or Marie est un personnage extrêmement important en Ethiopie: 32 fêtes lui sont dédiées dans l'année liturgique.
De l'« Office du matin » éthiopien, je n'ai gardé que la forme générale: une
succession de courtes prières, que l'on trouve dans les livres de dévotion privée. Les titres des sept pièces des « Laudes » sont ceux des prières correspondantes dont les textes sont souvent portés en amulettes par des Abyssins. L'amulette est contenue dans un étui rectangulaire ou cylindrique. Elle a la forme d'un petit rouleau de parchemin, orné d'enluminures et de dessins magiques. Ces prières ont en effet la particularité de protéger du Mal, mais aussi de certaines maladies...

Successivement:
1. « Dis-moi ton nom... » (Nagrânni samaka)- un appel à la prière.
2. « Prière pour délier les charmes » (Mâftehê seray) - Une incantation.
3. « Harpe de Marie » (Arganona Mâryâm)- Une danse sacrée.
4. « Chant des fleurs » (Mâhlêta segê)- Une méditation.
5. « Pleurs de la Vierge » (Lâhâ Mâryâm)- Un cantique.
6. « Rempart de la Croix » (Hasura Masqal)- Une procession.
7. « ... Seigneur des lumières » ('Gzi abahêr zabarhânât) – Une hymne.

Le Magnificat éthiopien: «Watibye Mâryâm ta'abbio nefsiye...» dont la forme
primaire est donnée dans «Harpe de Marie» (mes.22-27) est développée de façon chaque foi différentes dans les autres pièces de la suite.
CARACTERSISTIQUES TECHNIQUES DES « LAUDES »
Les deux particularités techniques de l'ouvrage sont d'une part la présence de quintolets et de triolets irrationnels dérivés de certains rythmes africains; et d'autre part l'utilisation de nombreux jeux de mutations séparés de leur fondamentaux, et destinés à créer et entretenir des champs vibratoires complexes.
I. Quintolets et Triolets irrationnels
Certains mètres sont formés de valeurs inégales et non-proportionnelles,
irréductibles aux quintolets et triolets de la notion occidentale. On les repère à
l'absence de regroupement : ou au dessus des notes concernées.
Ces mètres sont très fréquents dans ma musique en général. Ils sont le plus
souvent récurrents, voire même longuement répétés lors des séquences litaniques,
incantatoires, et ont pour but d'entretenir une pulsation extrêmement chaloupée,
proche de celle du Gospel ou du Reggae.

Jean-Louis Florentz












Chant de Nyandarua, op.6
Litanies pour quatre violoncelles (1984)

Durée : 15’
Dedicace : à Paul Boufil
Création : 11 mars 1986, Radio France
17 Mardis pour France Musique




















CHANT DE NYANDARUA, OP.6

pour quatre violoncelles (1985)

SECOND CHANT DE NYANDARUA, OP.11
pour douze1 violoncelles (1994-1995)

Chant de Nyandarua, op.6, pour quatre violoncelles, reste encore actuellement mon unique ouvrage de musique de chambre. Il faut d'ailleurs préciser l'origine de cette particularité: la version pour quatuor de violoncelles de ces « litanies » est en réalité lereliquat d'un vaste mouvement symphonique où huit violoncelles concertaient ensemble, comme un « chœur », avec un grand orchestre. C'était le second mouvement des Marches du soleil, op.4, diptyque crée à Munich en 1984 par le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (dir. Gilbert Amy). Insatisfait de ce second mouvement, puis par l'ouvrage dans son ensemble, j'ai conservé l'essentiel de la matière des violoncelles, pour la repenser dans un cadre instrumental, sans pour autant me limiter définitivement à une formation en quatuor, car cette matière musicale reste intrinsèquement symphonique. J'ai d'abord pensé à la vièle « zézé » des Wagogo de Tanzanie: cet instrument comporte de deux à quatre ou six cordes métalliques accordées à la tierce, et leur résonance persistante contribue à créer un effet de « pédale » sonore caractéristique. J'ai alors imaginé dans un premier temps une musique pour un violoncelle imaginaire à seize cordes. C'est ce qui explique le côté « massif » de l'ouvrage, à peine comparable à un vrai quatuor à cordes.
Commande de Radio-France, écrit à la mémoire de Karen BLIXEN, la version pour quatre violoncelles du Chant de Nyandarua fut créer à l'auditorium 104 de la maison de la Radio, en 1986, par les quatre violoncellistes de l'Ensemble Orchestral de Paris.
Elle est dédiée à Paul Boufil.
Les douze violoncelles du Second Chant de Nyandarua, op.11, présentant une version remaniée, plus développée, mais surtout une « lecture » plus exacte de mes intentions initiales.
En tête de l'ancien second mouvement des Marches du Soleil figurait cette citation extraite des Neiges du Kilimandjaro de Ernest Hemingway:
« ... Et là, devant eux, tout ce qu'il pouvait voir, vaste comme le monde immense, haut et incroyablement blanc dans le soleil, c'était le sommet carré du Kilimandjaro. Et alors il comprit que c'était là qu'il allait. »
Cette citation, absente de la partition plus « intime » du quatuor de violoncelles, est reportée en tête de la version symphonique terminale du Second Chant de Nyandarua.
Le titre des deux ouvrages indique le caractère « initiatique » de ces « Litanies », inspirée de chants religieux entendus de loin en loin dans le Nyandarua, au Kenya, un des hauts-lieux du culte divin des principales ethnies du pays.

* * *
1 Aussi pour 8 violoncelles
Les violoncelles jouent presque constamment dans la même tessiture et les tierces parallèles, très fréquentes dans la musique africaine, surtout Bantu, donnent à l'ensemble une couleur typée qui n'est pas sans évoquer, ici et là, les intonations harmoniques du Reggae ou de certaines musiques est-africaines récentes. Ces allusions sont absolument délibérées.
Dans ces pages, il n'y a pas lieu de s'attarder à spéculer sur les modes de jeu instrumental, les intervalles non tempérés (qui ne sont pas des « quarts de ton »), ou sur l'hétérophonie latente de la partition dans son ensemble.
Ces deux ouvrages ne sont qu'une indicible nostalgie, un « mal du pays » incœrcible que seuls peuvent ressentir ceux qui ont passé de nombreux dans cette immensité mystérieuse et envoûtante qu'est le Tsavo (au Sud-Est du Kenya), savane à acacias et baobabs qui s'étend au pied du Kilimandjaro, jusqu'à l'Océan Indien. Il faut avoir entendu
le Calao gris (Tockus nasutus, L.) creuser le silence de cette étendue splendide pour être marquée à jamais par l'insondable magie de l'Afrique orientale, qui est aussi le berceau de l'Humanité.
Les premières esquisses du Chant de Nyandarua remontent à l'hiver 1982, passé à Kitani, dans le Tsavo.
C'est l'époque où dominent les couleurs caractéristiques de la petite
saison sèche: le jaune, le magenta, le vert pastel et toutes nuances de l'ocre et du roux. Mais il n'y a pas que les couleurs... Il y a aussi les sons étranges qui émanent des vieilles termitières et des baobabs: ce sont les chants des esprits de la brousse, bien plus séduisant et redoutables que les sirènes de l'océan...

* * *
De forme strophique, la partition s'ouvre sur un motif très simple, développé un peu comme un « choral orné ». La variation interne de la matière transforme insensiblement ce « choral » en hétérosymphonie, de laquelle naît l'incantation centrale. Celle-ci part d'un nouveau motif en mode pentatonique, d'inspiration soudanienne.
Une troisième période de l'ouvrage débute par une variation sur les modes d'émission des violoncelles et se poursuit par une nouvelle incantation qui ne figure que dans la version pour douze violoncelles.
La dernière période est une synthèse des principaux thèmes de l'œuvre, qui s'achève sur un chant étrange et mystérieux donné par le premier violoncelle soliste: l'appel du Calao gris.
De même que tous les oiseaux africains qui interviennent dans ma musique en général (par exemple les 17 oiseaux d'orichalque du Requiem de la Vierge, op.7, ou les 4 oiseaux messagers du Songe de Lluc Alcari, op.10), le Calao gris est un agent rythmique, c'est-à-
dire un commentateur, un répondeur et un simulateur de sens de ce petit « conte africain » qu'est le Chant de Nyandarua2.
On dit de cet oiseau qu'il annonce l'époque des semailles, et, par extension, le renouveau dans tous les sens du terme. À son approche, il chante et généralement vers l'est, car on prétend qu'il va en pèlerinage à la Mecque3.
2 Voir en particulier: Pierre N'Da K., Le conte africain et l'éducation, L'Harmattan, Paris, 1984.
3 Réinterprétation culturelle de données naturelles : l'aire de répartition de l'espèce inclut
la côte Sud-Ouest de l'Arabie.
Par translation de sens, la présence de cet oiseau dans le Chant de Nyandarua (comme dans le Magnificat-antiphone pour la Visitation, op.3, où le chant du Calao gris est donné par le 1er violon solo de l'orchestre à la fin de l'ouvrage), est la traduction directe d' l'appel
du diacre dans la liturgie copte:
                           
« ILÂ ‘CHARQ ONZOUROU ! »
« Tournez-vous vers (= regardez) l’Orient ! »

Le « climax » en harmoniques sur lequel se déploie le chant du Calao gris est la cymbalisation d'un chœur de cigales de brousse (Koma bombifrons), surnommées en Afrique « les mères du soleil ».
Le second chand de Nyandarua, op.11 est dédié à Marcel Bardon, Paul Boufil, Yvan Chiffoleau, Philippe Muller, Dominique de Willencourt et leurs élèves des classes de violoncelle des deux CNSM et du CNR Supérieur de Paris.


Jean- Louis Florentz, Paris, 15 décembre 1994.













Debout sur le soleil, op.8
Chant de Résurrection pour orgue (19990)

Durée : 25’
Dédicace : à Michel Bourcier
Création : 10 mars 1991, Paris
Église Saint-Eustache
Organiste : Michel Bourcier


Commande
Radio France

Partition en vente
(AL 28229)























DEBOUT SUR LE SOLEIL, OP.8

Lorsqu'au milieu du XVe siècle, l'empereur Zara-Yaq'ob publia « Le livre des enchantements », (T'omara Tesbe'et), les terres chrétiennes d'Abyssinie étaient encore largement soumises aux rites de divination, à la magie, aux meurtres rituels et aux terreurs superstitieuses. C'est pour réagir contre ces mœurs discordantes que Zara-Yaq'ob, « le fils bien-aimé de l'Église », contacté par les émissaires du pape Eugène IV en vue du rapprochement des chrétiens latins et orientaux, écrivit lui-même cet ouvrage d'instruction théologique destiné à unifier spirituellement les fidèles dans la foi au seul Visage du Ressuscité.
Cette période de l'histoire éthiopienne présente de grandes similitudes avec la notre. La fin de notre XXe siècle voit émerger le mythe du « retour sacré, ou du religieux », tandis que fleurissent de loin en loin de nombreuses sectes plus ou moins religieuses et/ou intégristes. L'incapacité des sciences humaines, des progrès techniques, des diverses idéologies matérialistes et rationalistes à répondre durablement aux aspirations des populations, a cédé le pas à des créations plus irrationnelles de l'esprit humain, justifiant notamment la violence morale et politique.
J'ai repris le titre de l'écrit impérial de Zara-Yaq'ob dans sons sens étymologique : « Le traité de l’incarnation de Dieu », ou « de la nature humaine assumée par Dieu », pour couronner un cycle d'ouvrages à caractère « péri-liturgique », dans un sens proche de ce et de l'Hymnodie syriaque tout comme le « Livre du pacte miséricorde », Triptyque marial écrit entre 1980 et 1988, dont ce nouveau cycle est le pendant.
Au sens large, l'hymnodie désigne un ensemble de compositions ecclésiastiques poétiques, éventuellement non bibliques, et destinées à être chantées. L'hymodie chrétienne commença dès le début du Christianisme. Saint Paul en a cité des fragments dans ses Épîtres (I Tim.3, 16-II Tim.2,11-13- peut être aussi Ph.2,6-II). Saint Ephrem (303-373) est l'un des plus célèbres hymnodes de l'église syriaque.
* * * *
Le prologue du « Livre des enchantements » est un madrosh pour orgue seul, inspiré du Miserere de Jacques Leclercq. Le terme de madros (de darasha, instruire, rechercher, ouvrir une voie dans un sens amoureux) désigne un genre lyrique comportant notamment un refrain presqu'invariable, appelé cunito, qui se répète après chaque strophe. Saint Ephrem a souvent eu recours à ce genre poétique très ancien, porteur de ses pensées affectueuses sur la vie de Jésus. Les chœurs qu'il avait fondés chantaient ses compositions et lui, au milieu d'eux, les accompagnait à la harpe.
Jacques Leclercq, né en 1923, est prêtre à Notre-Dame de Paris. Après avoir passé 15 ans au Sud-Cameroun, il a fondé le service d'accueil de Notre-Dame, en 1968. Ce vaisseau grandiose est le lieu de son cri et des homélies bouleversantes, au cours desquelles il se dissout totalement le Visage de sa foi. Ses deux ouvrages publiés aux Éditions du Seuil (Le jour de l'homme, Paris 1976, et Debout sur le Soleil, Paris 1980) sont un reflet d'une spiritualité débordante d'amour pour Celui qui est toute sa vie.
J'ai été fortement impressionné par la résonance des voûtes de Notre-Dame avec la voix de Jacques. De même le grand orgue Cavaillé-Coll est le contrepoint idéal de sa parole, qui ressemble à du feu. Dans cet édifice, en présence de Jacques, tout devient grandiose, cosmique, et en même temps très humble.
Cette adéquation absolue, qui parfois relève de la féerie si le soleil s'en mêle en jouant avec les couleurs des rosaces, m'a poussé à écrire une paraphrase de l'une de ses plus belles méditations:
Le « Miserere », chapitre terminal de son livre Debout sur le Soleil
(« Et l'ange s'est dressé debout sur le Soleil » Apoc.19,17).
J'ai essayé de dire musicalement cette vibration de Dieu qu'est Jacques lorsqu'il parle dans la Cathédrale Notre-Dame, en me pénétrant de l'architecture de l'édifice gothique, des jeux de couleurs et de rythmes des rosaces, des timbres du grand orgue, de la voix de Jacques et de ses harmoniques, de ce qu'il dit, et surtout du Visage qu'il dit, à la manière d'un grand madrosh dont le texte commence souvent par ces mots: « Pour décrire ta beauté... », ou « Décrire ta beauté est impossible... » L'ouvrage, d'un seul tenant, est construit sur un grand nombre de symboles, en particulier les 41 invocations : « Seigneur, aie pitié de nous, ô Christ! » dans la liturgie eucharistique éthiopienne, les 153 poissons de la pêche miraculeuse à la Résurrection de Jésus (Jn.21,11) et les 153 « Ave Maria » du Rosaire... et par dessus tout les 169 citations:
« Souviens-toi! » dans le Pentateuque, traduites en ge'ez, éthiopien liturgique, puis
transcrites en morse rythmique et mélodique.
Le chiffre 7 domine la structure interne de la partition. Le sens de ce chiffre est bien connu, extraordinairement riche et fertile. Ce sont surtout les 7 gros cierges aux côtés de l'autel de Notre-Dame, mais aussi les 7 Archanges, les 7 fois « Je suis » dans Saint-Jean, les 7 Veilleurs du livre d'Hénoch…
Deux thèmes principaux reviennent souvent dans l'œuvre : celui du « Miserere », de la détresse humaine, parfois combiné avec un « thème de sainteté », tiré de la liturgie juive (Falacha) éthiopienne (« L'accueil de La Torah »); et celui du « Soleil de résurrection », tiré lui, d'un chant pascal éthiopien orthodoxe. La durée de l'œuvre est celle d'une homélie de Jacques Leclercq : de 17 à 20 minutes environs. Contrairement aux Laudes op.5 (1983-1985), les registrations sont d'avantage descriptives que prescriptives, à quelques jeux de mutations près (en particulier les trois Tierces : 6' 2/5
-3' 1/5 - et 1' 3/5). Bien que l'ouvrage ait été conçu pour un très grand instrument (Saint
Eustache, ou bien Notre-Dame), Debout sur le Soleil peut néanmoins être joué sur tout orgue disposant de grandes mutations graves. Ces jeux (la grande Quinte 10' 2/3, la grande Tierce 6' 2/5, la grande Septième 4' 4/7, les Théorbes...) sont dans cet ouvrage la résonance harmonique du timbre de la voix de Jacques dans la cathédrale. Il n'y a pas cependant pas dans cette œuvre une recherche systématique et approfondie sur les timbres, comme dans Les Laudes. Ici domine la virtuosité, notamment au pédalier, dont le rôle est presque équivalent à celui d'un troisième clavier manuel dans l'écriture.








Jean-Louis Florentz














Le Songe de Lluc Alcari, op.1

Concerto
pour violoncelle et orchestre
(1992-1994)

Durée : 32’
Dédicace : à Yvan Chiffoleau
Création : 12 octobre 1994, Paris, salle Pleyel, par Yvan Chiffoleau, violoncelle
l’Orchestre de Paris
Direction : Semyon Bychkov.
Effectif : 1 violoncelle solo ; 4*3**3***3*** - 4430 – Tomb. – Perc. I : xylorimba, tambour de basque – Perc. II : marimba – Perc. III : glockenspiel, tambour de basque, grande cymbale cloutée – Célesta _ 2 harpes _ Cordes : 16, 14, 12, 12, 8 *dont 1 petite flûte, la 3e prenant aussi la petite flûte et la 4e la flûte en sol - **dont 1 cor anglais - ***dont 1 clarinette basse - ****dont 1 contrebasson


Commande
Musique Nouvelle en Liberté et Ministère de la Culture

Partition en vente
(AL 28862)
violoncelle et piano en vente
(AL 28920)

matériel en location
(AL 28863
)








O.N.L  >





LE SONGE DE LLUC ALCARI, OP.10


Mon concerto pour violoncelle est formé de quatre mouvements qui se jouent sans interruption. Les passages du premier au second ne sont même perceptibles que partition en mains.
Le premier mouvement est en réalité un prologue préparant l’entrée du violoncelle concertant. La plupart des motifs introduits sont des germes de quelques uns des principaux thèmes de l’ouvrage. Dans le prologue, émerge, quoique discrètement, le premier violoncelle de l’orchestre, dont le rôle est très important dans le concerto : il est le double, l’« alter ego » du violoncelle soliste. Il « irradie » parfois les onze autres violoncelles de certains éléments thématiques typés, que ceux-ci transmettent aux quatre-vingt un musiciens de l’orchestre, presque tous solistes à un moment ou à un autre de l’ouvrage. Le violoncelle concertant apparaît au début du second mouvement : sorte de longue litanie à rebondissements stimulés, réactivés par les cadences du soliste. Cette période toujours plus violente, au cours de laquelle les deux violoncelles solistes jouent parfois en unisson rythmique, se clôt sur un instant de calme pulsé, en prélude au troisième mouvement. Ce dernier s’ouvre sur un « récitatif » du violoncelle seul, qui entonne un thème largo sans la participation de l’orchestre. L’épisode central partant de l’entrée de l’orchestre a pour objet d’accentuer le caractère dramatique de tout l’ouvrage. Le « récitatif » sans accompagnement orchestral, réapparaît en tant que coda du mouvement. Le quatrième et dernier mouvement est proche du second, mais son déroulement est plus resserré. Au terme d’une litanie chaotique, des appels de tout l’orchestre, répétés de plus en plus lointains, laissent chaque fois à nu le violoncelle soliste, qui fini par « plonger » dans un abîme écrasant (grandes trames de cordes, rehaussée de réponses par les bois, cuivres et percussions).
Le violoncelle soliste se retrouve seul, et tente de tout recommencer, en vain. Les autres violoncelles lui répondent par bribes … Un dernier sursaut de l’instrument est « déchiré » par un lourd nuage de cymbales. Tout ce qui vient d’être dit n’a finalement qu’une importance secondaire par rapport à la nature même du contenu musical de l’ouvrage. Le vrai titre précise d’ailleurs que le propos réel n’est pas celui d’un concerto pour violoncelle au sens traditionnel du terme. L’expression « Le songe de Lluc Alcari » n’est pas d’origine littéraire et fait allusion à un lieu-dit, aux Baléares, qu’affectionnait particulièrement l’ami à la mémoire duquel j’ai écrit ce concerto. Le lieu évoqué est à son tour une métaphore pour un autre, plus considérable encore… Cette manière de jouer des effets conjugués, produits par l’ensemble des significations contenues dans le sens propre ou symbolique d’un mot, est appelé en Éthiopie, la poésie de « cire et or ».
Il y a donc bien un « message » dans ce concerto. Une description sophistiquée de son contenu ne peut pas rendre compte du « message » lui-même et d’ailleurs, les « questions grammaticales » n’intéressent pas l’auditeur, car le but ultime de la musique, c’est l’émotion.


Jean-Louis Florentz, 24 février 1994


« La foi,…
Elle s’avance… en tâtonnant, petite flamme fragile mais obstinée, au creux de la conscience, et elle retrouve les mêmes mots que l’amour blessé quand il est rongé par le doute et le chagrin, pour vivre encore…
Voilà Abraham.
…Face à l’absurde,
mais devant le Visage de Dieu,
il ne savait plus que c’était impossible.
Alors il l’a fait. »
Jacques Leclercq
Notre-Dame de Paris, 23 juillet 1989
Homélie sur Abraham au Chêne de Mambré, Gn. 18, 1-15











Second chant de Nyandarua, op.11

Litanies pour douze violoncelles (1985-1995)
(aussi huit violoncelles)


Durée : 13’
Dédicace : à Marcel Bardon, Paul Boufil,
Yvan Chiffoleau, Philippe Muller
et Dominique de Willancourt.
Direction : Didier Benetti
Création :
2 mars 1996, Radio France, festival Présences 96
Les violoncelles de l'orchestre de Radio France



Commande
Radio France

Partition en vente
(AL 29025)

matériel en location
(AL 29026
)









O.O.P >
















CHANT DE NYANDARUA, OP.6
pour quatre violoncelles (1985)

SECOND CHANT DE NYANDARUA, OP.11
pour douze1 violoncelles (1994-1995)

Chant de Nyandarua, op.6, pour quatre violoncelles, reste encore actuellement mon
unique ouvrage de musique de chambre. Il faut d'ailleurs préciser l'origine de cette
particularité: la version pour quatuor de violoncelles de ces « litanies » est en réalité le
reliquat d'un vaste mouvement symphonique où huit violoncelles concertaient ensemble, comme un « chœur », avec un grand orchestre. C'était le second mouvement des Marches du soleil, op.4, diptyque crée à Munich en 1984 par le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (dir. Gilbert Amy). Insatisfait de ce second mouvement, puis par l'ouvrage dans son ensemble, j'ai conservé l'essentiel de la matière des violoncelles, pour la repenser dans un cadre instrumental, sans pour autant me limiter définitivement à une formation en quatuor, car cette matière musicale reste intrinsèquement symphonique. J'ai d'abord pensé à la vièle « zézé » des Wagogo de Tanzanie: cet instrument comporte de deux à quatre ou six cordes métalliques accordées à la tierce, et leur résonance persistante contribue à créer un effet de « pédale » sonore caractéristique. J'ai alors imaginé dans un premier temps une musique pour un violoncelle imaginaire à seize cordes. C'est ce qui explique le côté « massif » de l'ouvrage, à peine comparable à un vrai quatuor à cordes. Commande de Radio-France, écrit à la mémoire de Karen BLIXEN, la version pour quatre violoncelles du Chant de Nyandarua fut créer à l'auditorium 104 de la maison de la Radio, en 1986, par les quatre violoncellistes de l'Ensemble Orchestral de Paris.
Elle est dédiée à Paul BOUFIL.
Les douze violoncelles du Second Chant de Nyandarua, op.11, présentant une version
remaniée, plus développée, mais surtout une « lecture » plus exacte de mes intentions
initiales. En tête de l'ancien second mouvement des Marches du Soleil figurait cette citation extraite des Neiges du Kilimandjaro de Ernest Hemingway:
« ... Et là, devant eux, tout ce qu'il pouvait voir, vaste comme le monde immense,
haut et incroyablement blanc dans le soleil, c'était le sommet carré du Kilimandjaro.
Et alors il comprit que c'était là qu'il allait. » Cette citation, absente de la partition plus « intime » du quatuor de violoncelles, est reportée en tête de la version symphonique terminale du Second Chant de Nyandarua.
Le titre des deux ouvrages indique le caractère « initiatique » de ces « Litanies »,
inspirée de chants religieux entendus de loin en loin dans le Nyandarua, au Kenya, un des hauts-lieux du culte divin des principales ethnies du pays.
* * *
1 Aussi pour 8 violoncelles
Les violoncelles jouent presque constamment dans la même tessiture et les tierces
parallèles, très fréquentes dans la musique africaine, surtout Bantu, donnent à l'ensemble
une couleur typée qui n'est pas sans évoquer, ici et là, les intonations harmoniques du
Reggae ou de certaines musiques est-africaines récentes. Ces allusions sont absolument délibérées.
Dans ces pages, il n'y a pas lieu de s'attarder à spéculer sur les modes de jeu
instrumental, les intervalles non tempérés (qui ne sont pas des « quarts de ton »), ou sur l'hétérophonie latente de la partition dans son ensemble.
Ces deux ouvrages ne sont qu'une indicible nostalgie, un « mal du pays » incœrcible
que seuls peuvent ressentir ceux qui ont passé de nombreux dans cette immensité
mystérieuse et envoûtante qu'est le Tsavo (au Sud-Est du Kenya), savane à acacias et
baobabs qui s'étend au pied du Kilimandjaro, jusqu'à l'Océan Indien. Il faut avoir entendu le Calao gris (Tockus nasutus, L.) creuser le silence de cette étendue splendide pour être marquée à jamais par l'insondable magie de l'Afrique orientale, qui est aussi le berceau de l'Humanité. Les premières esquisses du Chant de Nyandarua remontent à l'hiver 1982, passé à Kitani, dans le Tsavo. C'est l'époque où dominent les couleurs caractéristiques de la petite saison sèche: le jaune, le magenta, le vert pastel et toutes nuances de l'ocre et du roux. Mais il n'y a pas que les couleurs... Il y a aussi les sons étranges qui émanent des vieilles termitières et des baobabs: ce sont les chants des esprits de la brousse, bien plus séduisant et redoutables que les sirènes de l'océan...
* * *
De forme strophique, la partition s'ouvre sur un motif très simple, développé un peu
comme un « choral orné ». La variation interne de la matière transforme insensiblement ce « choral » en hétérosymphonie, de laquelle naît l'incantation centrale. Celle-ci part d'un nouveau motif en mode pentatonique, d'inspiration soudanienne. Une troisième période de l'ouvrage débute par une variation sur les modes d'émission des violoncelles et se poursuit par une nouvelle incantation qui ne figure que dans la version pour douze violoncelles. La dernière période est une synthèse des principaux thèmes de l'œuvre, qui s'achève sur un chant étrange et mystérieux donné par le premier violoncelle soliste: l'appel du Calao gris.
De même que tous les oiseaux africains qui interviennent dans ma musique en général
(par exemple les 17 oiseaux d'orichalque du Requiem de la Vierge, op.7, ou les 4 oiseaux messagers du Songe de Lluc Alcari, op.10), le Calao gris est un agent rythmique, c'est-à-dire un commentateur, un répondeur et un simulateur de sens de ce petit « conte africain » qu'est le Chant de Nyandarua2. On dit de cet oiseau qu'il annonce l'époque des semailles, et, par extension, le renouveau dans tous les sens du terme. À son approche, il chante et généralement vers l'est, car on prétend qu'il va en pèlerinage à la Mecque3.

Jean- Louis Florentz
Paris, 15 décembre 1994



2 Voir en particulier: Pierre N'Da K., Le conte africain et l'éducation, L'Harmattan, Paris, 1984.
3 Réinterprétation culturelle de données naturelles : l'aire de répartition de l'espèce inclut la côte Sud-Ouest de l'Arabie.
Par translation de sens, la présence de cet oiseau dans le Chant de Nyandarua (comme
dans le Magnificat-antiphone pour la Visitation, op.3, où le chant du Calao gris est donné
par le 1er violon solo de l'orchestre à la fin de l'ouvrage), est la traduction directe d' l'appel
du diacre dans la liturgie copte:
« ILÂ ‘CHARQ ONZOUROU ! »
« Tournez-vous vers (= regardez) l’Orient ! »
Le « climax » en harmoniques sur lequel se déploie le chant du Calao gris est la
cymbalisation d'un chœur de cigales de brousse (Koma bombifrons), surnommées en
Afrique « les mères du soleil ».
Le second chand de Nyandarua, op.11 est dédié à Marcel Bardon, Paul Boufil, Yvan
Chiffoleau, Philippe Muller, Dominique de Willencourt et leurs élèves des classes de
violoncelle des deux CNSM et du CNR Supérieur de Paris.








L'Ange du tamaris, op.12
pour violoncelle solo, 1995




Durée : 11’30 environ
Dédicace : à Dominique de Williencourt
Création : 27 août 1995, Neuvy-le-Roi,
festival Les Bucoliques du Pays de Racan,
par Dominique de Williencourt.





























L’ANGE DU TAMARIS OP.12

Les Anges : êtres intermédiaires entre Dieu et les hommes.
Ils pourraient, selon certains textes anciens, ne revêtir de l’homme que
l’apparence. On a beaucoup disserté sur leur sexe : moi, je crois qu’ils sont tous
mâles et d’une beauté insoutenable. Il en est très souvent question dans ma musique : l’Ange du Magnificat-Antiphone pour la Visitation, op.3, pour ténor, chœur mixte et orchestre – les Sept Archanges du Requiem de la Vierge, op.7, pour soprano, ténor, baryton, chœur d’enfants, chœur mixte et orchestre – les Trois Anges du Songe de Lluc Alcari, op.10, pour violoncelle et orchestre –les Anges-Esprits de la brousse dans les deux Chants de Nyandarua, op. 6 et 11, pour 4 et 12 violoncelles.
Le Tamaris : cet arbre évoque la douceur de la solitude, les vastes
étendues désertes, l’indifférence de l’éternité. Abraham plante cet arbre à
Beer Sheba avant d’invoquer YHWH (Gn. 21, 33)
« … Jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés auprès d’un Tamaris à trois
branches. Alors ils perçurent une voix qui sortaient des branches comme
le murmure d’esprits, en prononçant par trois fois : “Saint, Saint, Saint” ;
celui qui vint chez lui avec un message…
…Alors le vieil Abraham se leva afin de rencontrer l’Archange… :
“Raconte-moi, je t’en prie, ô jeune homme, d’où viens-tu et pourquoi es-
tu si beau ?” »
(Testament d’Abraham. Version éthiopienne (Falacha). Ms. 107.)
Le Violoncelle : l’instrument mâle par excellence, bâti pour
chanter, quelle que soit sa tessiture et qui ne se joue que dans l’étreinte.
Il a, en particulier dans le médium, la chaleur sensuelle du brocart, le
faste et la splendeur de la caste la plus digne : celle des pauvres qui
savent être de grands seigneurs…


J.-L. Florentz. Boulogne – 26 janvier 1996












Les Jardins d'Amènta, op.13 Conte symphonique pour orchestre
(1997-1998)

Durée : 32’
Dédicace : à Anne Le Forestier-Florentz
Création :
29 mai 1997, Lyon, auditorium Maurice-Ravel
Orchestre National de Lyon
Direction : Emmanuel Krivine
Effectif : 4333 – 4430 – Timb., perc. (4 ex.)
– Célesta – 2 harpes – Cordes : 16, 14, 12, 12, 10  




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Radio France


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O.N.L >



















LES JARDINS D'AMÈNTA, OP.13
(KANAOU IMÈNTET)

L'expression « Ahâ-Mèn-Ptah » (« Cœur-ainé-coucher-de-Dieu » c'est-à-dire Osiris) a subi une contraction tardive dans les textes attachés à l'ouvrage improprement appelé : « Livre des Morts »- L'AMÈNTA. En Égypte, ce nom a cependant conservé une signification originelle, celle de « Pays des Morts », « Pays des Bienheureux », ou « Pays de L'Au-delà ».

Le présent ouvrage, commende de l'Orchestre National de Lyon,
est un Conte Symphonique inspiré pour l'essentiel du « LIVRE DES MORTS » égyptien, tel qu'il figure, condensé, dans le « Papyrus d'ANI ». Ce récit est toutefois éclairé et renforcé par d'autres sources, tirées notamment de certains contes africains, et du Psaume 42 (43) : « Juge-moi, Dieu, défends ma cause... »

Deux grandes périodes le « LIVRE DES MORTS DES ANCIENS EGYPTIENS »,
le voyage dans la « Barque Solaire », et le jugement de l'âme (la psychostasie), au terme duquel le défunt, déjà ressuscité, est admis ou non dans les « JARDINS
D’AMÈNTA
» (en égyptien : KANOU IMÈNTET), qu'on appelle aussi : « Les Champs de Serht-lànrou ».

Cet ouvrage peut être perçu comme un Poème symphonique, au sens occidental du terme, avec la différence que le déroulement musical ne suit pas étroitement, le texte inspirateur. Pour ma part, j'ai choisi « Conte Symphonique » dans son sens africain ; j'en ai adopté la structure quadripartite et l'esprit initiatique :

A- Création d'une atmosphère d'irréel, destinée à couper l'auditoire des réalités
quotidiennes
B- Formule introductrice spectaculaire, entonnée par le conteur principal
(plusieurs conteurs peuvent se partager la séance).
C- Conte proprement dit, interrompu périodiquement par des interventions de
l'assemblée et d’« agents rythmiques », et par des chants n'ayant pas toujours
un rapport direct avec le contenu de l'histoire.
D- Formule terminale, dont la conclusion n'est pas obligatoirement une
conséquence du conte lui-même.

Mon conte symphonique ne comporte ni texte chanté, ni récitant.
C'est l'orchestre seul qui « raconte ». En Afrique, les instruments sont capables de « parler », avec leurs cordes, les lames des balafons, des sanzas... Les initiés peuvent alors comprendre un message codé, crypté, qui n'est pas forcément celui qu'ils entendent « en clair » par la bouche du conteur. Il en va de même dans le présent ouvrage. Mais ici, il s'agit d'une « musique-histoire », et non d'une « histoire-mise-en-musique ». Structure, esprit et sources sont étroitement mêlés.
« LES JARDINS D’AMÈNTA » sont traités un peu comme un « Concerto pour
orchestre », mais là encore, plutôt dans le sens africain du terme. Il n'y a pas de
véritable séparation ou de hiérarchie des groupes instrumentaux comme dans les
concertos occidentaux. L'ensemble des 96 musiciens intervient quasiment à tout
moment, et la virtuosité est présente à peu près à tous les pupitres.
Le foisonnement résultant se voudrait une représentation musicale du faste de la
rencontre avec le « Visage », lors du décès de chacun d'entre nous. C'est tout le
contraire d'un « Requiem », où la tristesse étreint ceux qui restent.
Ici, j'ai modestement tenté d'imaginer la mort du point de vu de celui qui est
parti.
Vingt-neuf séquences (le chiffre 29 est en relation avec la durée d'une lunaison complète : 29 jours environs) s'enchaînant d'une seule traite, regroupant néanmoins l'ouvrage en deux parties, correspondant à celle du « LIVRE DES MORTS DES ANCIENS EGYPTIENS ».

I. La première partie, «Sortie vers la lumière du jour» (séquence I à XI),
comporte deux périodes d'inégale longueur.

A. Un prologue incantatoire plante un décor féérique, séquences I et II : « Le
  Calao du Mastaba
» (les Calaos, oiseaux africains, jouent un rôle considérable
  dans les contes)- « Le Grand Sycomore ».
  À ce prologue s'enchaînent plusieurs danses initiatiques, destinées à
  déconnecter l'auditeur des réalités terrestres, séquences III à VII : « La
  Barque du Soleil
»- « Cortège des Shaouabtis » (génies protecteurs de
  l'âme pendant son voyage dans l'Au-delà)- « Île de Lotus »- « Le Soleil
  renverse les vases d'huiles
».

B. Une transition calme et mystérieuse introduit «Le Prince des Griots»
(Séquence VIII). L'auditoire est progressivement projeté dans un monde
imaginaire, surréel, « La Chapelle des Oracles » (Séquence XI), où chacun
voit alors « Le fil d'Argent » qui relient l'âme du corps de tout être vivant
(Séquence X : gigantesque masse (), striée de roulements de Tam-tams, grelots, et grosse Caisse…). Le « conteur », sous la forme d'un trio des trois
premiers Violons soli, dépeint alors l'univers fantastique du véritable voyage
dans l'Au-delà, « l'Kaggen, Seigneur des Étoiles » (Séquence XI).
Cette dernière séquence se dissout finalement dans une nuée de trilles et
trémolos de l'orchestre à cordes.

II. La seconde partie, « Dis-moi mon nom » (Séquences XII à XXIX) s'enchaîne à la
première sans véritable transition ; un fil ténu la relie à la précédente : un trille de deux flutes (). Elle comporte également deux périodes d’inégale longueur.

C. Un premier mouvement lent, mais intense, « Sur les bords du Temps »
(Séquence XII), ponctué de chocs étranges, sourds et profonds d'un « glas
pharaonique », introduit le défunt (ou le « voyant », ou si l'on veut, tel d'entre
vous, vivant une expérience de décorporation) au cœur d'un brasier de lumière
dans lequel son âme se dilate, « Un jeune homme nu étreint le Soleil »
(Séquence XIII). Bientôt une apparition chaleureuse et flamboyante, « La
Vieille Fée des Termitières » (Séquence XIV), l'entraîne dans une danse-
procession, « Lys d'émeraude » (Séquence XV), au paroxysme de laquelle
« le voyageur » aperçoit « Le Château des Millions d'Années » (Séquence
XVI). Il passe alors entre les « Sentinelles dorées » (Séquence XVII), pour
rencontrer enfin «Celui qui connaît les abîmes» (Séquence XVIII).
À ce moment, sur une litanie déferlante des Cordes et Harpes, le Cor Anglais solo,
chargé d'harmoniques de Flûtes et Clarinettes, entonne : « Seigneur, Roi de la
Paix », très vieux chant pharaonique toujours utilisé actuellement dans la
liturgie copte. Sans discontinuité, le « Roi de la Paix » projette « le voyageur »
dans une vague tourbillonnante, et lui montre Les Marais de Senhakarha
(Séquence XIX), où Isis recherchait les restes démembrés d'Osiris massacré par
Seth. La danse s'apaise et conduit à un second mouvement lent, qui correspond à la « psychostasie » du « LIVRE DES MORTS » égyptien.
Le défunt s'asseoit sous le « Baobab de Turquoise » (Séquence XX) et revoit toutes ses actions passées, même les plus infimes, bonnes ou mauvaises : « Larmes du garçon des Savanes » (Séquence XXI). Mais il ne comparaît pas : il se blottit. Il n'a pas beaucoup de temps pour reconsidérer son existence, ou plutôt, les choses vont si vite qu'une nouvelle « déferlante », qui semble reprendre le rythme très chaloupé du « château des Millions d'Années », le sort bientôt de sa torpeur, « Par ici, viens! » (Séquence XXII).

D. Sans transition, l'orchestre chante alors l'expectative du « défunt » (ou encore
une fois, si l'on préfère : de celui qui vit aux frontières de la mort), « Là où se
croisent les deux sentiers » (Séquence XXIII). Un nouvel appel en forme de
fanfares de Trompettes ornementées par tout l'orchestre, interrompt son
anxiété, « Passe, tu es pur! » (Séquence XXIV). Mais le « défunt », par la voix
du premier Violoncelle solo, ne sait s'il doit ou non son voyage, « Mon nom est
un Mystère » (Séquence XXV). L'appel se fait pressant, envoûtant, « Navigue
droit devant toi » (Séquence XXVI). Le « voyageur » franchit alors le seuil de
l'Amènta (dans le « LIVRE DES MORTS », il prononce le nom secret que porte le
seuil et désir par nom toutes les boiseries qui forment la porte) et contemple
« L'Eau des Abîmes » (Séquence XXVII) dans laquelle il s'immerge totalement
sous les « Parfums d'acclamation » (Séquence XXVII). Il entre enfin dans les
« Champs de la Paix » (Séquence XXIX).


Jean-Louis FLORENTZ-17 Janvier 1997








L'Anneau de Salomon, op.14

Danse symphonique pour grand orchestre (1998)

Durée : 25’
Dédicace : à Nelson Rolihlahla Mandela,
Président de la république d'Afrique du Sud.
Création : 1 avril 1999, Paris, théâtre des Champs-Élysées Orchestre national de Lyon
Direction : Emmanuel Krivine.
Effectif : 44*44 – 5431 – Timb., perc. (4 ex.) – Célesta –
2 harpes – Cordes : 16, 14, 12, 10, 8
*dont 1 cor anglais Version pour orchestre seul mais un chœur mixte peut être ajouté ad lib. Une transcription pour orgue a été réalisée par Henri-Franck Beaupérin.







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L'ANNEAU DE SALOMON, OP.141
LUNE DE SAWAKYN

Sâwakyn, une île de la Mer Rouge, au Soudan. Chaleur torride, atmosphère très
sensuelle. Fin d'après-midi. Se dessine déjà le croissant de la lune d'Arabie.
Un temple en ruine, bâti sur des colonnes de corail.
Assis sur une dalle, Ben-Oni*, un adolescent d'origine inconnue, joue de la flûte...*)
Favori de Soliman Ben Daoud (Salomon), sa beauté et son talent ont inspiré les bâtisseurs du
Temple de Jérusalem.
Salomon lui avait confié son Anneau magique avec mission de capturer et de ramener le Djinn des
Tornades de la Mer d'Arabie. Fomentés par Hiram, ami de Ben-Oni et maître d'œuvre du Temple, une rébellion avait éclaté à Jérusalem, pendant son voyage. Les Djinns chargés de la taille des pierres, révoltés contre Salomon, exigeaient un allègement de leur odieux servage. Inflexible, Salomon les a exilés, enchaînés, aux confins de la Mer Rouge. Certains, cependant, sont parvenus à s'échapper. De retour d'Arabie, Ben-Oni apprend la nouvelle du drame. Il décide de libérer le Djinn des Tornades et s'enfuit avec l'Anneau magique. Il va errer à pendant de longs mois à travers le Soudan à la recherche d'Hiram et de ses compagnons, qu'il espère délivrer grâce au pouvoir de l'Anneau.

Enivré par les brises d'oliban, de musc et d'épices, Ben-Oni s'endort dans un profond
sommeil...  
Des formes fugitives apparaissent alors dans ses songes. Des Djinns, échappés à la
vindicte de Salomon, se sont réfugiés sur les rives de la Mer érythrée. À la nuit, ils sortent
de leurs cavernes pour célébrer leurs mystérieux offices par des chants et des danses.
Certains, à la peau noire, se lovent comme des cobras, le torse couvert de scarifications
en forme de croix.
Quelques uns, chevauchant des tourbillons, ressemblent à des tempêtes de sable: ils
glissent dans l'air en chantant d'ésotériques litanies. D'autres jeunes hommes d'une beauté
fascinante, arrivent en procession. Chantant et dansant, ils font brûler des encens rares.
Les fumigations réveillent le jeune Ben-Oni. Il ne sait plus où est la frontière entre les
songes et la réalité... Émerveillé par le spectacle, il reprend sa flûte pour « charmer » les
Djinns qui lui apprennent l'exil auquel Salomon a condamné Hiram et ses serviteurs, après
les avoir transformés en vapeurs bleues...
Séduits par Ben-Oni, les Djinns le conduisent dans les abysses du golfe de Sawâkyn, à
travers les tours de corail et les labyrinthes de madrépores.
Ils arrivent à un immense banc de sable ; des flocons se dressent, empli d'un suc
magique dont le jeune homme se frotte la plante des pieds pour pouvoir marcher sur la
mer. Alors va commencer son voyage...
Ben-Oni, pendant des jours et des nuits, glisse sur les flots.

COLONNES DE CORAIL
Le soir est tombé. Ben-Oni aperçoit, éclairées par la lune, les « Filles de la Mer » parées
de colliers de perles. Le voyant s'approcher, elles improvisent une ronde charmante...
« Les Filles de la Mer »
... Puis s'éloignent en chantant, indiquant au jeune homme la direction de l'Île « au-delà
des sept mers » où se trouvent les jarres de Soliman Ben Daoud.
Ben-Oni continue son voyage à travers l'immensité marine... un chant très doux, l'aide à
surmonter sa peur.



1 d'après le « Testament de Salomon », le Deutéronome, le 1er livre des Rois, le 2ème livre des Chroniques, les
Chroniques de Tabari et de Qazwîmî, le « Rawzat-us-Safa » de Mirkhond, l'Histoire prodigieuse de la Ville
d'Airain, l'Histoire de la reine Yamlika et l'Histoire du pêcheur avec le Djinn (Mille et une Nuits), mais aussi
d'après Nelson Mandela: « Un long chemin vers la liberté » (Fayard, Paris, 1995).





L'ILE DU NON-RETOUR

Après des jours et des nuits, il arrive aux abords de « l'île du non-retour ».
Là, se dresse une colline aux rochers d'ambre jaune et de musc. Dans ses flancs cette
colline cache une caverne magnifique à la voûte et aux parois de diamant. Saisi d'un
profond étonnement à cette vue, Ben-Oni est cloué sur place.
« Les Gardiens de la Caverne de diamant »
C'est alors que, venant du fond de la grotte, une armée s'avance vers lui: d'autres Djinns,
gardiens de la Caverne de diamant, vont tenter de lui faire perdre tout sens de
l'orientation.
Reprenant sa flûte « enchantée », l'adolescent va les envoûter.
Vaincus par l'incantation de Ben-Oni, les Gardiens le conduisent à l'intérieur de la grotte...
Les voici dans une salle immense: au centre, une table d'or massif sur laquelle se trouvent
enchaînées l'une à l'autre, les jarres de Salomon...
« Le Lieutenant des Oiseaux »
Désespéré à cette vue, Ben-Oni tombe évanoui. Ému par le chagrin de ce jeune garçon,
un très vieux Djinn, le « lieutenant des oiseaux », lui asperge le visage avec de l'eau et des
fleurs...
Revenu à lui, l'adolescent, en larmes, se jette aux pieds du vieillard, le suppliant de
l'aider à libérer Hiram et ses serviteurs.
Le vieux Djinn lui montre l'Anneau que, dans sa détresse, Ben-Oni avait oublié. Ce
dernier le brandit devant les Gardiens de la Caverne qui, terrorisés, disparaissent
rapidement.
Seul face à face, Ben-Oni prie, prie et recommence à jouer...
« Conjuration de l'Anneau »
…Puis abandonnant la flûte, il prononce les paroles conjuratoires. La salle est alors
inondée de clarté.
La voûte s'élargit jusqu'aux étoiles. Les jarres deviennent transparentes, des tourbillons
dorés les secouent brutalement.
Après les formules magique. Ben-Oni se lance dans une danse échevelée.
D’un tourbillon de poussière un tumulte assourdissant comme le tonnerre. Élevant
l'Anneau, il voit les jarres transparentes fondre et se transformer en diamant liquide, tandis
qu'apparaissent Hiram et ses compagnons.
« Procession des Djinns »
…qui implorent le pardon de Dieu pour leurs fautes, et le remercient d'avoir retrouvé leur
forme et leur liberté. Livre de joie, Ben-Oni reprend sa flûte, cependant que ses amis
psalmodient les versets de la 89ème sourate du coran :
« Ô âme tranquillisée, retourne vers Ton Seigneur, agréante, agréée... »
« Le Baudrier d'Orion »
Décidés à fuir la Terre, les Djinns contemplent la constellation d'Orion, en particulier « Les
Trois Rois Mages »: Alnilam, Anitak et Mintaka: ils veulent s'y réfugier pour l'éternité.
Intense contemplation. Nostalgie d'un temps à jamais révolu.

LITANIES COSMIQUES
Danse des Djinns célébrant leur liberté retrouvée...

EPILOGUE : LE VIEILLARD NUBIEN
Un temple très ancien, au bord de la Mer érythrée.
Chaleur torride. Bruissement doux et mystérieux du vent dans les éthels, et dans les
dunes de sable, au lointain.
Un vieux griot nubien passant par là, réveille avec douceur un jeune homme endormi.
Un oiseau du Sahara, perché dans un éthel tout proche, lance son chant nuptial.
Le jeune homme (Ben-Oni) se réveille lentement, ivre d'un rêve intense et violent...


Jean-Louis Florentz










La Croix du sud, op.15
Poème symphonique pour orgue (1999-2000)

Durée : 17’
Dédicace : à Olivier Latry
Création : 14 septembre 2000, Reims,
basilique Saint-Rémi, par Olivier Latry




















Commande
Association Renaissance des grandes orgues de
la Basilique Saint-Rémi
de Reims

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(AL 29336
)



Olivier Latry >
Simon Bollenot >

















LA CROIX DU SUD, OP.15

INTRODUCTION
Le massif de Hoggar, au sud du Sahara.
Un ensemble chaotique de volcans fossiles, dont ne subsistent aujourd'hui que
les cheminées, mises à nu par l'érosion. Ces pitons basaltiques et phonolitiques,
dressés vers le ciel comme des doigts de géants, font penser à d'immenses buffets
d'orgue.

C'est le Pays des Touaregs.

Le poème anonyme cité en exergue appartient au répertoire traditionnel des chants
réservés au chant d'amour (Ahal). Il est traité ici selon un procédé courant dans ma
musique en général : la technique de cire d'or. Un lieu aimé, une idée... recouvrent
et masquent une autre réalité, dont le sens reste caché et ne peut qu'être entrevu à
partir d'un second texte, celui-là d'ordre religieux, et qui « met sur la voie ».

Le second texte est la rencontre de Moïse avec son Dieu, dans la montagne
sacrée, d'après le récit de l'Exode XXXIII, 18-23, « revisité » par les versets 143 à
147 de la VIIe Sourate du Coran : Al'araf (Les Limbes) :

« ... Seigneur, tu permets que je Te regarde!
Jamais tu ne Me verras!
Regarde la montagne.
Si elle tient encore en place, alors tu pourras Me voir.
À peine son Seigneur se fut-il manifesté à la montagne qu'il la nivela,
Et Moïse tomba évanoui en poussant un cri.
Lorsqu'il se fut remis, il dit : « Pureté à toi! A Toi je me repens,
Et je suis le premier des croyants. »

La structure de l'ouvrage, en trois périodes, évoque les trois principaux états du
SAMA, ou danse Soufi. La danse est toujours une libération des sens et de la joie
spirituelle. Le premier état du SAMA, dit charnel, se réfère à ceux qui n'ont pas
dominé leurs passions. Le deuxième état est le dévoilement de la jouissance
spirituelle, qui entraîne l'extase. Le troisième état est celui de l'union avec Dieu, de
l'union la plus dépouillée et la plus parfaite.

Jean- Louis Florentz